Journaliste ou journal héros d’une BD… Et bien ça existe. Il y a d’abord Tintin qui ne l’oublions pas est reporter. On le voit assez rarement écrire un article, en revanche il est plus souvent sur le terrain en train d’enquêter et même de tenter de résoudre des affaires. Le reporter à la manière de Tintin est à la fois un enquêteur et aussi une sorte de redresseur de torts qui outrepasse souvent le rôle qu’on attribue aujourd’hui à un journaliste. C’est moins la rédaction de l’article qui est mise en scène que la quête de la vérité.

Les journaux, réels ou imaginaires peuvent apparaître dans les vignettes. Dans les toutes premières aventures publiées en simples fenêtres dans la presse belge il est reporter au Petit Vingtième. Par la suite on verra apparaître d’autres titres de presse. C’est ainsi que dans Tintin au Congo, lorsque le reporter a débarqué en Afrique, il est visité à son hôtel par des représentants de plusieurs journaux, le New-York Evening, le Daily Paper de Londres, le journal portugais Diario de Lisboa, qui veulent tous acheter l’exclusivité de ses reportages. Tintin est un reporter qui court beaucoup, est souvent confronté aux sujets qu’il traque, on le voit rarement écrire. C’est dans le premier album, Tintin au Pays des Soviets qu’il apparaît écrivant un article, penché avec son crayon sur une liasse de pages manuscrites. En revanche Hergé insère des plans d’extraits de pages de journaux dans ses albums, ainsi dans Le Secret de la Licorne et dans Les 7 boules de cristal.

Photo Le Centre de la Presse.
Autre héros ; Astérix. Dans le 36ème album des aventures ; Le Papyrus de César, il y a un journaliste qui a pris les traits de Franz-Olivier Gisbert, correspondant du Mundus à Rome, qui se targue d’avoir écrit une critique laudatrice sur La Guerre des Gaules, l’ouvrage signé César. Il y a un autre personnage qui est dans le casting, un certain Doublepolémix qui se dit « Colporteur Sans Frontière », qui est correspondant du Matin de Lutèce et qui a les traits de Julian Assange.

Photo Le Centre de la Presse.
Autre personnage qui est confronté à un journaliste localier, Lucky Luke dans l’Ouest américain. Plusieurs fois des journaux apparaissent dans des vignettes pour par exemple annoncer l’arrestation de hors la loi ou la fin des exactions de quelques bandits. A l’instar du Nothing Gulch Trumpet qui annonce l’exil des Dalton au Mexique dans l’album Tortillas pour les Dalton. Mais incontestablement c’est l’album Le Daily Star qui fait la part belle à un journal local d’une petite ville du Far West. Le journaliste fondateur et rédacteur du journal est un certain Horace Greeley qui imprime à plat, feuille à feuille, avec une presse typographique manuelle. Il va tisser des liens dans l’ouest mais aussi se heurter à de vives animosités, la vérité n’étant pas toujours bonne à être publiée.


New-York Tribune – Wikimédia Commons.
Plusieurs personnages patibulaires vont tenter de mettre fin au travail du journaliste qui heureusement trouvera un protecteur efficace, Lucky Luke lui-même. Un journal concurrent imprimé par des voyous peu scrupuleux et colporteurs de fausse nouvelles (déjà !) titré L’Epitaph, va se créer, mais il ne fera pas long feu. Tout finira bien et Horace, lui aussi pionnier de l’Ouest, mais pionnier du journalisme, pourra continuer de rédiger et imprimer Le Daily Star. Et c’est d’ailleurs ce travail de réalisation (composition, impression) qui est mis en exergue dans de nombreuses vignettes où la vie de l’atelier du journal en est la vedette. D’autres albums de Lucky Luke mettent en scène des extraits de journaux comme The Morning News dans l’album Sarah Bernhardt qui annonce avec enthousiasme en 1880 la première des neuf tournées de l’actrice en Amérique, alors qu’un titre concurrent The Moral Virtue demande au gouvernement de refuser d’accueillir sur le territoire celle qu’on nomme « l’impératrice du vice ».
Pour conclure cette série non exhaustive il faudrait citer Les Pieds Nickelés Journalistes où les trois comparses deviennent journalistes de presse écrite au journal L’Aurore qui pointe. Ils vont créer des scoops de toute pièce, pratiquer la roublardise pour « arranger » l’information et camper un milieu journalistique à la fois électrique, enfumé et bien peu digne de confiance. Publiée en 1961, c’était peut-être une BD prémonitoire…
Bernard Stéphan