Il y a quelques semaines le journaliste Olivier Todd mourait. Il était le témoin d’une grande époque des médias, peut-être était-ce la dernière grande époque de la presse écrite. Il avait été formé dans sa jeunesse dans un environnement intellectuel propice à l’écriture et à l’engagement. En effet il était le petit-fils de la directrice de la version britannique du magazine Vogue, il avait épousé la fille de Paul Nizan, intellectuel, grande figure du Parti Communiste de l’Entre-deux-guerres, écrivain, mort au combat en 1940 dans la poche de Dunkerque.
Si l’espace politique d’Olivier Todd fut la gauche, il ne fut jamais stalinien puisqu’il dénonça très tôt la dérive communiste. Journaliste toute sa vie il commença à publier dans la revue Les Temps Modernes, mais c’est à L’Observateur qu’il fit ses classes avant de devenir une plume du grand reportage au Nouvel Observateur dirigé par Jean Daniel qui en fut la grande figure pendant plusieurs décennies. Pendant des années il a été à diverses reprises le grand reporter qui couvrit la longue guerre du Viet-Nam et à laquelle il consacra plusieurs livres.
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Collection Le Centre de la Presse.
Ce fut aussi un homme de radio et de télévision, on lui doit notamment la première interview télévisée de Jean-Paul Sartre en 1969.
C’est dans sa confrontation avec la dénonciation du stalinisme qu’à la fin des années 1970 il quitta Le Nouvel Observateur, pourtant franchement antitotalitaire et magazine militant pour une social-démocratie à la française, et rejoindre en 1977 L’Express de Jean-François Revel dont il devint Rédacteur en chef. Cet hebdomadaire était alors dans une sorte d’entre-deux, ni de droite ni de gauche, mais lui aussi farouchement anti-communiste. Et pourtant, Olivier Todd se heurta au propriétaire de L’Express, le très droitier Jimmy Goldsmith, au moment des élections présidentielles de 1981. Olivier Todd penchait pour Mitterrand, il prit la porte. En signe de soutien, Jean-François Revel et une partie de l’équipe rédactionnelle dont l’éditorialiste Max Gallo et le critique littéraire Angelo Rinaldi démissionnèrent.
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Ce fut alors la fin d’une époque de la vie de Todd qui ne retrouva pas une rédaction pour exercer ses talents et faire entendre sa voix. Il choisit alors une autre forme d’écriture, celle des livres, il publia de nombreuses biographies dont celle de Giscard, de Brel, de Malraux et plusieurs livres sur son point de repère intellectuel : Albert Camus.
Bernard Stéphan