10 septembre 1899 – La Gazette de France

La Une – Collection Le Centre de la Presse

Ne perdons pas de temps : le journal que vous avez sous les yeux est un journal antidreyfusard, et pour le coup, antisémite également. Nous reviendrons sur l’histoire de cette publication, dans quelques lignes.

Quel est le sujet principal à la Une de ce quotidien de quatre pages très grand format ? Ne cherchez pas, il y en a qu’un, traité sur les six colonnes : l’affaire Dreyfus. 

Petit rappel : l’affaire Dreyfus est un scandale judiciaire majeur de la Troisième République, qui a divisé la société française entre 1894 et 1906. Le capitaine Alfred Dreyfus, alsacien d’origine  et de confession juive, est accusé (à tort) d’espionnage au profit de l’Allemagne. En 1894, il est condamné à la déportation à perpétuité sur l’île du Diable en Guyane après un procès entaché de falsifications et de préjugés antisémites. L’affaire prend une dimension publique en 1898 avec la publication à la Une de L’Aurore du célèbre article “J’accuse…!” d’Émile Zola, qui dénonce l’injustice et le complot contre Dreyfus. Cette intervention médiatique marque un tournant dans l’affaire : l’opinion publique est partagée entre les dreyfusards, partisans de l’innocence de Dreyfus, et les antidreyfusards, qui soutiennent sa culpabilité. En 1899, un nouveau procès de Dreyfus a lieu à Rennes. C’est l’actualité du journal présenté ici.

En pages intérieures, La Gazette de France annonce en effet le verdict de ce procès très médiatisé. Dreyfus est reconnu coupable de trahison par le Conseil de Guerre, mais « avec circonstances atténuantes » (par 5 voix contre 2), condamné à dix ans de réclusion et à une nouvelle dégradation. Mais le journal ne parle pas de ces incroyables « circonstances atténuantes ».Près de deux pages au total sont consacrées à cette affaire. Tout est à charge : Dreyfus est forcément coupable.  Même quand le journal indique que les autorités allemandes confirment que Dreyfus n’a jamais eu de contacts avec elles. Le journal retourne l’information au détriment de Dreyfus.Théophraste Renaudot, (1586-1653) créateur de la Gazette, a dû (peut-être) se retourner dans sa tombe en découvrant son journal à la fin du XIXème siècle. 

Comme cela est indiqué en dessous du titre (La) Gazette (de France) a été fondée en 1631. C’est alors le premier périodique imprimé  français. Renaudot obtient de Richelieu l’autorisation de le publier et le monopole pour la diffusion d’informations provenant de l’étranger ; monopole qui va se prolonger jusqu’à la Révolution. la Gaztte est d’abord un hebdomadaire, puis quotidien à partir de 1792. Son titre va évoluer. C’est à partir de 1848 qu’il devient La Gazette de France. Son existence se termine durant la Grande Guerre en 1915. Et vu les idées qu’il véhicule, c’est plutôt une bonne nouvelle.

Concernant l’affaire Dreyfus, notre innocent est finalement gracié peu après. Ce n’est toutefois qu’en 1906 que la Cour de cassation annule définitivement sa condamnation et le réhabilite. L’affaire Dreyfus reste un symbole de l’injustice et de l’antisémitisme. Plus d’un siècle plus tard, cette affaire marque encore les esprits et la mémoire collective. Elle reste une référence judiciaire et politique.

Le Centre de la Presse possède plus de 500 exemplaires de (La) Gazette (de France) dont deux exemplaires de l’époque de Théophraste Renaudot : 1631 et 1632.