80 ans d’une presse… libre

Cette fin d’été 2024 marque les 80 ans de très nombreux journaux en France. Tout commença le 6 mai 1944 avec l’ordonnance rétablissant la liberté de la presse. Et la fin de l’été 1944 marqua la renaissance de très nombreux titres.
Pourquoi renaissance ? Il y a une raison, de très nombreux titres de presse écrite ont été fondés à la Libération, souvent d’ailleurs sur les décombres ou les actifs de journaux beaucoup plus anciens qui avaient collaboré pendant l’Occupation et qui ont été interdits de poursuivre leur parution à partir de l’été 1944 et de la libération de leurs territoires de diffusion.
Il y eut ainsi 188 titres qui furent interdits, c’est par exemple le cas pour La Dépêche du Berry dans le Berry, pour La Petite Gironde en Aquitaine, pour Ouest-Eclair en Bretagne, pour Le Petit Parisien dans la capitale, pour Paris-Soir et Le Temps au niveau national. À contrario 201 journaux furent autorisés à paraître, qu’il s’agisse de nouveaux titres ou de rares titres anciens. Cette situation est le fait des ordonnances du gouvernement provisoire de la république française (GPRF) et des lois de 1946.

La Petite Gironde du 18 juin 1940 – Collection Le Centre de la Presse

La presse fut l’objet d’une épuration avec saisi des biens, suspensions de la parution des titres qualifiés de collaborationnistes, et refondation en intégrant aussi des titres souvent nés dans la résistance. Dans de nombreux département ce sont les mouvements de résistance qui reprirent les journaux, les rebaptisèrent, redéfinirent la ligne éditoriale et nommèrent les nouveaux dirigeants. La plupart du temps les actifs de titres anciens furent repris par les nouveaux dirigeants et le nouveau titre après mise sous séquestre légale et réaffectation, de même les imprimeries des journaux suspendus furent affectées aux nouveaux titres, ce fut ainsi le cas à Bourges avec Le Berry républicain qui fut refondé dans les locaux de La Dépêche du Berry avec les moyens matériels de La Dépêche. Seul un petit nombre de titres, nés avant-guerre, purent subsister à la censure et à l’épuration parce que jugés non collaborationnistes, ce fut le cas du Figaro, de L’Humanité, de La Montagne, de L’Est Républicain, du Bien Public, du Républicain Lorrain.

Premier numéro du Berry républicain daté du 16 septembre 1944 – Collection Le Centre de la Presse
Premier numéro de la nouvelle série de L’Humanité daté du 21 août 1944 – Collection Le Centre de la Presse


Les ordonnances qui ont règlementé la presse, ainsi que les lois qui ont suivi avaient en outre un objectif éthique : ne pas laisser les puissances financières mettre la main sur la presse et éviter les concentrations. On peut constater aujourd’hui que le chemin parcouru est désormais bien éloigné des intentions des réformateurs de la presse à la Libération. Les règles édictées ont été largement contournées pour arriver à une situation, quatre-vingts ans après, où de nombreux journaux sont dans la main de grands groupes financiers ou industriels. Au lendemain de la guerre, parmi les nouveaux titres qui se lancèrent, il y eut de nombreux journaux politiques comme Ce Matin, Libération-Soir, Libres, etc. Ce fut une une presse qui passa comme une comète, elle fut éphémère et disparut très vite. En revanche la presse d’information s’installa et prospéra, elle naquit sous une grande promesse de liberté, c’est elle qui fête cette année ses 80 ans.

Libération-Soir du 5 mai 1945 – Collection Le Centre de la Presse

Bernard Stéphan