Le mercredi 1er septembre 1937, le quotidien Le Petit Parisien, acteur incontournable de la presse française de l’époque, annonce à la Une un événement quasi historique : la création de la SNCF (Société Nationale des Chemins de fer Français). Peu d’informations sur le sujet en première page. En page 2, le journal détaille la décision gouvernementale (décret-loi) et les termes de la convention signée le 31 août 1937, qui officialise la naissance de la SNCF au 1er janvier 1938. Cette nouvelle entité, une société anonyme d’économie mixte, est créée pour unifier les cinq grandes compagnies ferroviaires privées françaises sous une seule entité publique, avec l’État comme premier actionnaire majoritaire. Nous sommes dans les derniers mois du Front populaire, le président de la République s’appelle Albert Lebrun et c’est Camille Chautemps qui est alors le président du Conseil.
L’article commence ainsi : « Sur la proposition de M. Queuille, ministre des Travaux publics, le Conseil des ministres a approuvé la convention passée entre l’État et les grands réseaux, en vue de la réorganisation des chemins de fer, qui était inscrite au programme du gouvernement, et pour l’étude de laquelle une commission interministérielle avait été désignée le 8 juillet. M. Queuille a donné à ce sujet les précisions suivantes aux journalistes accrédités auprès de son département. La convention acceptée par les réseaux se caractérise par une fusion des compagnies et des réseaux d’État dans le sein d’une société nationale à majorité d’État, de façon à permettre les mesures d’organisation et de simplification des services qui paraitraient génératrices d’économies. Elle a également pour trait essentiel la substitution, à un système d’équilibre qui n’était basé que sur l’automatisme des tarifs, d’un programme d’assainissement, destiné à assurer progressivement l’équilibre intégral des recettes et des dépenses de la société nationale, non seulement par des augmentations de tarifs et par des mesures d’économies, mais encore, si le résultat de ces mesures est Insuffisant, par des subventions budgétaires parfaitement justifiées puisqu’elles n’interviennent qu’en seconde ligne avec le but essentiel de couvrir les charges des insuffisances passées qui ne sauraient, en bonne logique, incomber à la société nationale naissante. La société nationale des chemins de fer est une société d’économie mixte, destinée â être un grand service public et industriel, avec le souci à la fois de la qualité des prestations et de l’équilibre financier. Les réseaux apportent tout leur actif à la société nationale, à l’exclusion du domaine privé. À l’expiration de la société, en 1982, son actif fera retour gratuitement à l’État. Les compagnies concessionnaires reçoivent de la société nationale des annuités correspondant à l’intérêt statutaire, au dividende garanti et à l’amortissement de leurs actions. Par ailleurs, les compagnies reçoivent en représentation de leur apport (matériel, outillage. approvisionnement, etc.) des actions d’une valeur nominale de 695 millions environ. L’État reçoit également des actions et possède 51 % du capital. Les actions des compagnies sont bloquées eu nom de chacune d’elles jusqu’en 1955, date moyenne de l’expiration des concessions. Elles seront réparties entre les actionnaires des compagnies. Le produit de leur intérêt et de leur amortissement est également bloqué jusqu’en 1955 dans la proportion de 80%. Les 20 % restant ne seront répartis que si l’équilibre du compte d’exploitation est réalisé. […]»
Le Petit Parisien est fondé le 15 octobre 1876 par Louis Andrieux (1840-1931), député radical, procureur de la République et franc-maçon. On lit dans le premier numéro le postulat du rédacteur en chef Jules Roche (1841-1923) : « Le Petit Parisien publiera tous les jours, en tête de son numéro, un bulletin résumant les principaux faits de la politique intérieure et étrangère, de façon à ce que ses lecteurs soient tenus au courant des événements d’une manière aussi complète que par les journaux de grand format. Dans une démocratie comme la nôtre, il importe en effet au public de connaître les faits eux-mêmes, avant toutes leurs interprétations ou tous les développements auxquels ils peuvent servir de thèmes. Bien renseigner le lecteur en faisant pour lui le travail de condensation de nouvelles auquel chacun ne peut se livrer, tel sera donc le but que nous nous efforcerons d’atteindre. »
Dans les premiers temps, le journal, petit format, adopte une ligne éditoriale radicale et anticléricale. Après plusieurs ventes et rachats, le politicien Jean Dupuy (1844-1919) devient le propriétaire de ce quotidien en 1884. Le journal plus modéré alors, s’agrandit (1886), rencontre un succès populaire important et devient vers 1910 avec un tirage d’1,4million d’exemplaires, le premier des quatre piliers de la presse française (les trois autres étant : Le Petit Journal, Le Journal et Le Matin).
En 1937, Le Petit Parisien est toujours dans le peloton de tête de la presse française avec un tirage dépassant le million d’exemplaires en deuxième position derrière Paris-Soir qui ne cesse alors de progresser. Fin de parution en août 1944 lors de la libération de Paris.
Le Centre de la Presse possède près de de 3.000 exemplaires de ce titre.
P.R.