JO de 1924 : la presse à la traîne

 L’Illustration du 16 août 1924 – Collection Le Centre de la Presse.

Et vont arriver les jeux olympiques en ce mois de juillet 2024. Voyons comment la presse regarda les premiers JO de Paris, c’était en 1924, les jeux de la VIIIè olympiade. Avant l’attribution, Paris avait été en concurrence avec Los Angeles et avait probablement décroché les jeux grâce au français Pierre de Coubertin qui présidait le CIO et à qui on doit la création des jeux modernes.

Ils se déroulèrent du 4 mai au 27 juillet mais ne furent officiellement ouverts que … le 5 juillet. 44 nations étaient représentées avec 3089 athlètes qui s’affrontèrent dans 23 disciplines. Le 6 juillet Le Petit Journal titrait en tête de une sur l’ouverture officielle.

Le Petit journal du 6 juillet 1924 – Collection BNF

Ce fut l’athlète français Géo André (en photo en première page du Petit Journal) qui prêta le serment olympique au cours de la cérémonie d’ouverture qui eut lieu au stade de Colombes. C’était un rugbyman, aviateur, mais aussi champion dans de nombreuses disciplines individuelles. A la ville il était journaliste.  Idem à la une du Petit Parisien avec la photo de Geo André et l’annonce de l’ouverture par le président de la République Gaston Doumergue.

Le Miroir des sports du 5 juillet 1924 – Collection Le Centre de la Presse.

A la une de Paris Soir, le 6 juillet, une seule brève qui indiquait « la messe olympique a été célébrée à Notre-Dame ». Le chroniqueur avait retenu la cohue sur le parvis à la sortie de la messe où chacun s’interpellait dans toutes les langues. Ainsi, écrivait-il « on eût cru que les ouvriers de la tour de Babel se trouvaient réunis au pied de Notre-Dame de Paris. »

On notera qu’on ne parlait pas de flamme olympique et pour cause, elle ne sera introduite dans le rituel qu’à partir des JO d’Amsterdam en 1928. Le 6 juillet le quotidien bordelais La Petite Gironde consacra trois colonnes de une, en petits caractère, à l’ouverture officielle des jeux. Rien à la une de La Dépêche du Berry du 6 juillet, il fallut attendre le 7 pour l’annonce de l’ouverture, sur une colonne avec un court entrefilet.  

C’est l’hebdomadaire Le Miroir des Sports, créé en 1920, qui fut la plus fidèle vitrine des jeux avec des reportages  illustrés de remarquables photographies.

Le Miroir des sports du 9 juillet 1924 – Collection Le Centre de la Presse.

Ce n’est que le 14 juillet qu’on vit à nouveau les JO à la une de Paris Soir, c’était pour évoquer le marathon qui s’était couru le soir d’une journée de canicule. Clôturés le 27 juillet, les JO ne bénéficièrent que d’une courte colonne le 28 juillet. Il est vrai que le chroniqueur de Paris Soir déplorait le peu de spectateurs pour la cérémonie de clôture et l’absence de nombreux athlètes repartis dans leurs pays ! Dans Le Petit Parisien cette clôture ne fit l’objet que d’un entrefilet en pied de une.

Quelques vedettes marquèrent ces jeux dont Johnny Weissmuller, qui plus tard incarna le personnage de Tarzan au cinéma (avec son célèbre cri), en décrochant quatre médailles d’or dans les épreuves de natation et le finlandais Paavo Nurmi, exceptionnel coureur à pied qui remporta cinq médailles d’or en six jours.

Au cours de ces jeux on assista à une véritable révolution des moyens de l’information. Les reporters de la TSF (Télégraphe Sans Fil), c’est à dire la radio, firent pour la première fois des reportages en direct. Une concurrence innovante qui inquiéta la presse écrite au point que les reporters de la TSF furent plusieurs fois interdits de stade et donc de reportages sur pression des journalistes des journaux papier. Premiers jeux filmés aussi avec des images diffusées dans les salles de cinémas pendant les « actualités », séquence de ce qu’on appelait alors la première partie de la séance précédant la projection du film. Jeux prisés par le monde entier enfin puisque sept cents journalistes venus de partout furent accrédités.

A l’heure du bilan La Petite Gironde consacra un papier de une très critique, dénonçant le trop plein d’épreuves et militant pour un retour à l’esprit d’origine des jeux : « Il faut (…) revenir vers la tradition antique, seuls doivent subsister les sports individuels sans aucune aide : l’athlétisme et la natation. Les autres ont leurs championnats du monde tel le tennis avec la coupe Davis, tel l’aviron avec Henley, tel le cyclisme. » Quant au Miroir des Sports du 30 juillet, il constatait la puissance de la délégation américaine, mais il y voyait une leçon à tirer, celle de l’éducation : « (…) l’organisation scolaire américaine est tout autre que chez nous. Elle a mieux compris l’intérêt des exercices physiques, qu’elle favorise dès le plus jeune âge. »

La France s’en tira avec 38 médailles se classant troisième derrière les Etats-Unis, la Finlande et la Grande Bretagne.

Clin d’œil final dans Le Miroir des sports du 30 juillet 1924, post-JO, ce titre : Première traversée de Paris à la nage. Le parcours conduisait les concurrents sur 8 km du Pont National en amont de Bercy jusqu’au Pont Alexandre. Nager dans la Seine… Un siècle après on en rêve encore.

Le Miroir des sports du 19 juillet 1924 – Collection Le Centre de la Presse.

Les jeux de Pierre de Coubertin terminés, le fondateur des jeux modernes quitta la présidence du CIO en 1925.

Bernard Stéphan