6 juin 1944 : la presse peu enthousiaste

Comment la presse rendit-elle compte du débarquement en Normandie du 6 juin 1944 ? 

Le Journal de Rouen du 7 juin 1944 – Collection Paris-Normandie. Journal publié dans le livre La Seconde Guerre Mondiale sous le regard de la Presse. 

Si l’on se place du point de vue de la presse autorisée, entièrement soumise à Vichy et à l’Occupant, presse collaborationniste donc, le moins que l’on puisse écrire c’est qu’elle fut peu encline à observer d’un bon œil le débarquement des alliés.

Le Journal daté du 7 juin titre sur toute la une « Une tentative de débarquement ». Dans Le Matin pas d’ambiguïté ; on lit ceci le 7 juin : « Le haut-commandement allemand, qui a toujours attendu avec impatience cette épreuve de force, est plein de confiance quant à son issue. » 

 Le Matin du 7juin 1944 – Collection Le Centre de la Presse.

A Bordeaux, La Petite Gironde qui est le grand quotidien de la ville et d’une partie de l’Aquitaine fait sa une avec ce titre « Une attaque anglo-américaine de grand style a été déclenchée ». Dans L’Echo d’Alger de son côté, qui est un journal antiallemand, le titre qui barre la une annonce que « Les Forces Alliées ont ouvert un second front » avec ces mots dans l’éditorial : « La voici donc cette heure que nous attendions depuis si longtemps en France et hors de France. » Paris-Soir du mois de juin consacre à peu près toutes ses unes à une info pro-allemande en surestimant la « proche victoire allemande ». Pas de surprise pour le journal pro-nazi Paris-Soir qui persistera longtemps puisque même le 16 août 1944, 24 heures avant l’arrêt de ses rotatives pour fait de collaboration, il écrira encore à sa une « Ce sont les français qui pâtissent des criminelles entreprises de la résistance ». Même topo pour L’Œuvre, journal fasciste par excellence qui va porter la voix du commandement allemand pendant deux mois et demi jusqu’à son dernier jour, le jeudi 17 août 1944, avec cette manchette comme ultime bras tendu : « On ne voulait pas le travail obligatoire, on aura la mobilisation générale ». Dans son édition du 8 juin La Dépêche du Berry, le quotidien du Cher et de l’Indre, publie un communiqué en tête de une pour dénoncer l’arrivée « d’armées étrangères » qui ne désignent pas la Wehrmacht mais bien les armées alliées ! 

La Dépêche du Berry du 8 juin 1944 – Collection Le Centre de la Presse.

La Dépêche (de Toulouse), le 7 juin, consacre sa une aux appels de Pétain en tête de page et de Laval en ventre. Le Petit Méridional, quotidien de Montpellier, publie en une, en lettres capitales, le 7 juin, un appel du Maréchal Pétain. Le 7 juin La Croix titre sur une « Tentative de débarquement » et le lendemain 8 juin elle consacre sa une à un « Solennel avertissement du Chef de l’Etat » …
Le 13 juin 1944 Le Petit Parisien titre sur toute la largeur de sa première page « Peu de changement sur l’ensemble du front de Normandie » avec encore en une cette phrase particulièrement carabinée du fasciste Marcel Déat : « Il faut empêcher l’invasion des mercenaires du capitalisme judaïsé et l’émeute des agents staliniens. »

Le Petit parisien du 13juin 1944 – Collection Le Centre de la Presse.

Coté presse clandestine le n° du 1 er juillet de La France au Combat (il n’y a pas eu de n° en juin) titre « La Libération approche ». L’Homme Libre du 9 juin 1944 (journal des FFI) titre sur toute sa une « La Libération va rendre la
France aux Français ». La Gazette du comité de libération nationale datée du 17 juin titre « Union et Confiance » et conclut son éditorial par ces mots comme un appel : « Aux armes citoyens ! ». Combat daté du 1 er juillet (pas de n° en juin) titre « Vous serez jugés sur vos actes » et porte sous la manchette la mention « Un seul chef De Gaulle ». Le n° suivant de Combat paraîtra le 21 août avec ce titre barrant toute la une « L’insurrection fait triompher la République à Paris ».

Combat du 21 août 1944 – Collection Le Centre de la Presse.

A partir de fin août 1944, presque tous les journaux pro allemands qui parurent le 7 juin 1944 furent suspendus.

Bernard Stéphan