Que devient la presse militante ? Il faut s’entendre ; il s’agit de la presse directement affiliée à un parti politique ou à un courant de pensée, qui en est le porte-parole, elle est militante d’une cause et elle est souvent vendue par les militants eux-mêmes sous forme de criée dans la rue, sur les marchés ou au porte à porte.
On ne remontera pas au Cri du Peuple de Jules Valès, mais plus sûrement on s’arrêtera vers la plus connue de ces ventes militantes qui fut longtemps la vente de L’Humanité Dimanche, le dimanche matin sur les marchés, par les militants communistes eux-mêmes. Autre support militant du PCF, celui-ci pour les campagnes, l’hebdomadaire La Terre fut essentiellement vendu sur abonnements en direction de ce qu’on appela la paysannerie rouge.
Ce fut dans les années 1970-2009 le cas du journal Rouge, qui était l’organe de la Ligue Communiste puis de la LCR (Ligue Communiste Révolutionnaire) lui aussi vendu par les militants sur les places des marchés.
C’est toujours le cas de L’Anticapitaliste, la revue du mouvement d’extrême gauche NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste) dont une des figures emblématiques est Philippe Poutou, plusieurs fois candidats à l’élection présidentielle.
Mais par presse militante il faut aussi citer par exemple la presse catholique qui fut longtemps vendue à la sortie des offices religieux à l’instar de La Vie ou de Famille Chrétienne. Mais aussi La Croix à ses origines fondée par la Congrégation des Augustins de l’Assomption et à ce titre fervent support catholique, très conservateur à ses origines, anti-républicain et anti-laïque alors. Ce journal fut très antisémite et anti-dreyfusard.
Parler de presse militante c’est évoquer le foisonnement des journaux à partir de la seconde moitié du XIXè siècle qui ont tous, plus ou moins, milité pour une idée politique, un projet et à ce titre étaient des outils de propagande, y compris ce qu’on a appelé la presse régionale, à ses origines, avant qu’elle ne se lisse pour devenir « une presse pour tous ». Parmi ces journaux militants, la presse féminine qui porte la cause des femmes a eu une place importante. Avec La Voix des femmes, journal socialiste et émancipateur. Bien plus tard la CGT lancera Antoinette, un mensuel militant qui œuvrera pour l’émancipation des femmes dans le monde du travail de 1955 à 1989.
Titre emblématique des années 60, La Cause du Peuple, portée par Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir leur valu à plusieurs reprises d’être arrêtés. Ils reprirent ce militantisme de presse avec Libération dont ils furent à l’origine en 1973.
Alors quid de la presse militante aujourd’hui à l’heure de la concentration des médias et du numérique ? Aujourd’hui elle disparait au profit de médias du commentaire qui à leur manière sont militants sans le dire, ce qu’on appelle un prosélytisme soft qui avance masqué. C’est sans doute plus dangereux pour les esprits que le vieux journalisme militant qui allait à visage découvert et affichait clairement la couleur en la criant sur les places publiques.
Bernard Stéphan