Evoquer la presse clandestine c’est évoquer une manière de résister. Et souvent mettre le doigt sur des « feuilles » qui un jour deviendront de grands journaux. Les premiers journaux clandestins, ils avaient allure de tracts, sont le fait d’individualités souvent très isolées dont l’action est très risquée et en conduira beaucoup dans les geôles allemandes et dans les camps d’où ils ne reviendront pas. C’est en 1941 que foisonnent des publications comme Libération (lié aux mouvements de résistance Libération nord et sud), Franc-Tireur, Combat, Les cahiers du Témoignage Chrétien, etc.
Quelques titres qui existaient avant-guerre, liés à des partis politiques de gauche ou à des organisations syndicales sont relancés dans la clandestinité avec une très faible pagination ; ainsi L’Humanité, Le Populaire ou La Vie Ouvrière. L’historien de la presse Patrick Eveno a chiffré à 1200 environs le nombre de publications clandestines qui verront le jour entre 1941 et 1944. En 1941 Combat devient la publication de référence des mouvements de résistance et il est la fusion de plusieurs feuilles. C’est Georges Bidault qui en est le rédacteur en chef, il sera remplacé par Pascal Pia avant que ne lui succède Albert Camus. Combat sera le premier journal clandestin, certes a parution très irrégulière puisqu’il n’y aura que cinquante-huit numéros, mais avec des tirages atteignant 300.000 exemplaires. Le second titre en influence est Libération fondé par Emmanuel d’Astier de la Vigerie, et au début imprimé clandestinement à Clermont-Ferrand, sur la rotative de La Montagne, grâce aux actions des ouvriers du livre et à la complicité d’Alexandre Varenne, le fondateur du quotidien auvergnat. Dans le nord de la France un petit tract, La Voix du Nord, porte la parole d’un mouvement clandestin et deviendra après-guerre le grand quotidien régional du nord, il l’est toujours.
Dans les derniers mois de l’Occupation, alors que le Débarquement a eu lieu, il y a prolifération de publications clandestines avec en particulier une cible, les jeunes, avec des titres comme Gavroche et Avenir. Et les tirages suivent. Défense de la France par exemple tire à 450.000 exemplaires en 1944.
A la Libération peu de journaux clandestins survivront, beaucoup de journaux d’avant-guerre seront repris par d’ancien résistants, ils changeront de titre et repartiront pour une nouvelle ère. Ce fut ainsi le cas du Berry Républicain dans le Cher et l’Indre qui succéda à La Dépêche du Berry dont la publication fut arrêtée en août 1944. Le Berry Républicain succéda en lieu et place, avec le même matériel, et quasiment les mêmes hommes.
Seuls les dirigeants changèrent pour des hommes venus de la Résistance. De même à Orléans La République du Centre fondée par une coopérative ouvrière fin septembre 1944 succéda au quotidien collaborationniste Le Républicain du Centre. Exception dans le centre, en Auvergne, La Montagne qui avait accueilli dans ses ateliers des équipes de la presse clandestine, qui avait volontairement cessé de paraître refusant la censure de Vichy, eut le droit de reparaître sous son titre avec, toujours à sa tête, son fondateur Alexandre Varenne.
Bernard Stéphan