Quelle coïncidence ! Tandis que la bibliothèque Presse & Mediaş du Centre de la Presse prépare une exposition et une causerie sur les faits-divers en BD, et s’apprête à recevoir,
samedi 28 octobre 2023
à 16h au Châtelet,
Jean-François Petit,
maître de conférences à l’Institut catholique de Paris,
pour une conférence-rencontre sur l’affaire Mis et Thiennot, on apprend dans Le Berry républicain du 6 octobre dernier que la septième demande en révision du procès a été acceptée par la Cour de cassation.
Rappelons les faits : le 31 décembre 1946, le corps du garde-chasse Louis Boitard est retrouvé criblé de balles près de l’étang des Saules en Brenne. Les gendarmes interrogent les chasseurs présents ce jour-là. Rapidement huit d’entre eux sont arrêtés et présentés devant le juge.
Après une longue garde à vue, ils avouent. Quelques jours plus tard, ils se rétractent car les aveux ont été obtenus sous la contrainte. Ils sont condamnés à des peines allant de 18 mois de prison à 15 ans de travaux forcés pour Raymond Mis et Gabriel Thiennot.
Après un 3ème verdict donné en 1950 par la cour de Gironde, l’affaire semble close. Trente ans plus tard, un comité de soutien est créé, des livres, des documentaires, une pièce de théâtre paraissent, les médias s’en emparent, l’hypothèse d’une erreur judiciaire est posée.
Mis et Thiennot condamnés à 15 ans de travaux forcés, en feront 7, et seront graciés mais pas innocentés.
Trois-quarts de siècle après le meurtre du garde-champêtre, on se replonge dans les journaux de l’époque, et on lit les ouvrages qui traitent de cette affaire. Deux de ceux-ci ont retenu notre attention : « Mis et Thiennot, une vie de combat » de Léandre Boizeau et « La Fabrique des innocents » de Gilles Antonowicz et Isabelle Marin.
Les bénévoles de la bibliothèque ont lu….
« Mis et Thiennot, une vie de combat » de Léandre Boizeau
Léandre Boizeau a grandi en Brenne, son père connaissait bien deux des huit chasseurs impliqués, les frères Thibault de Saint-Genou, et était convaincu de leur innocence de même que de l’innocence des six autres, notamment de Raymond Mis et Gabriel Thiennot, condamnés à quinze ans de travaux forcés.
Alors instituteur dans la région, et auteur d’un roman, « Gêne », paru en 1978, Léandre Boizeau a souhaité mieux comprendre cette affaire. C’est ce qu’il raconte dans ce livre paru en 2022, aux éditions La Bouinotte.
En 1978, il passe de longues heures au tribunal du Blanc à étudier les archives du procès, qui laissent pointer des éléments troublants. Il rencontre ensuite différents protagonistes de cette affaire. Tout cela lui fait mesurer la complexité du dossier, tant du point de vue de la véracité des témoignages, que des relations de dépendance, sans oublier la dimension politique.
Il acquiert alors la conviction qu’on est face à une erreur judiciaire. Il n’aura alors de cesse de remuer ciel et terre pour obtenir la révision du procès, et l’acquittement. Il écrit alors un premier livre : « Ils sont innocents » en 1980. Dans la foulée de cette parution est constitué un comité de soutien pour la révision du procès. Cette demande de révision, rédigée par Jean-Paul Thibault, avocat, se fonde sur six faits nouveaux.
En vain.
Révision après révision, on en arrive à la septième, celle-ci basée sur une évolution législative de 2021 qui autorise la requête en révision si les aveux ont été obtenus par la violence.
Assiste-t-on à l’ultime épisode de cette longue, douloureuse et ténébreuse affaire ?
« La Fabrique des innocents »
L’affaire Mis et Thiennot – Histoire d’une manipulation médiatique »
Gilles Antonowiz – Isabelle Marin
Date de parution mars 2022 – Editions les Belles Lettres
Gilles Anotonowiz et Isabelle Marin ouvrent les archives de Maître Garçon, avocat au barreau de Paris défendant la veuve Boitard et ses enfants. Jean Lebaudy, patron du garde-chasse, industriel et propriétaire terrien veut un procès exemplaire. Il fera appel à un ténor du barreau récemment nommé à l’Académie française. Aussitôt l’affaire prend une tournure politique : d’un côté les prolétaires, de l’autre les puissants.
Pour les auteurs, pas de doute, Mis et Thiennot sont coupables. Les faits repris et décortiqués donnent raison à la justice. L’analyse des livres parus 30 ans après les faits sont pour les auteurs exagérations et contre-vérités. Ils appuient sur le fait que le déchaînement médiatique peut manipuler l’opinion et devenir tribunal populaire.
L’ouvrage est illustré d’aquarelles peintes durant les séances au tribunal par Maître Garçon.