Il en est des métiers de la presse comme d’autres secteurs, ceux qui apparaissent et ceux qui disparaissent. Et ces derniers sont symptomatiques de l’évolution des supports d’information. A cet égard plusieurs de ces métiers disparus racontent les grandes heures de la presse papier et illustrent la mutation numérique que nous vivons. Ainsi au premier chef celui de crieurs de presse. Ils furent essentiellement les marchands de rue des journaux à Paris ; mais aussi dans les grandes villes de province à la fin du XIXè siècle et jusqu’à la fin des années soixante du XXè siècle. Il parait qu’en 2016 il subsistait encore un dernier crieur de journaux à Paris pour Le Monde. A-t-il survécu ?
Le crieur prenait son paquet sentant l’encre, tout juste sorti de l’imprimerie, et partait à vélo dans son quartier pour crier. Crier le titre du journal et crier l’événement en manchette ou même annoncer la « Dernière édition ! » quand les grands journaux populaires pouvaient avoir sur Paris cinq ou six éditions avant que la radio ne vienne donner au plus vite l’information. Sans oublier qu’il y eut longtemps les journaux du matin à plusieurs éditions et bien sûr les journaux du soir qui donnaient les synthèses de la journée. Les crieurs encore appelés colporteurs de presse étaient la plupart du temps payés à la commission. Le métier a tenté de renaître avec la distribution, notamment aux bouches de métro ou aux arrêts de tram, des journaux gratuits au début des années 2000. Mais il s’agissait davantage de distributeurs que de crieurs.
Le second métier en voie de disparition est celui de porteurs de journaux à l’heure du laitier. C’est une activité essentiellement provinciale puisque dépendante de la presse régionale. L’abonnement au portage du petit matin étant un système de distribution mis en place pour compenser le mauvais service postal et la distribution tardive des plis par la Poste. Là encore les porteurs assujettis aux titres de la PQR ont une très faible rémunération, un pourcentage lié au nombre de journaux distribués, des tournées en général très longues en zone urbaine, des conditions de travail peu attractives (pas de véhicules de service, intervention presque exclusivement nocturne par tous les temps), un statut d’indépendant qui exclut en général les porteurs des avantages sociaux de l’entreprise mère. Ce travail est souvent assuré par des jeunes retraités qui trouvent là un petit complément de revenu. Quoi qu’il en soit, conditions de travail, conditions sociales, conditions de revenus, sont les raisons évidentes de la difficulté des entreprises de presse pour assurer la pérennité des effectifs de porteurs. On voit donc bien poindre à l’horizon l’évolution possible, la fin du portage remplacé par l’abonnement à la version numérique du journal ; donc la réduction du nombre d’exemplaires imprimés au profit des nouveaux supports.
Au rang des métiers du journal papier disparus, il faudrait dérouler une longue liste s’ajoutant aux crieurs et porteurs : linotypistes, compositeurs, protes, massicoteurs, correcteurs, relieurs, plieurs, etc.
Tout ça illustre encore une fois ce qu’on appelle la fin d’une époque.
Bernard Stéphan