La presse écrite a été portée notamment au XIXème siècle par un rendez-vous incontournable, le feuilleton. Il avait deux fonctions : fidéliser les lecteurs et les inciter à lire. Le journaliste et homme de presse Émile Girardin, à partir de 1836, va révolutionner le monde de l’information en lançant le journal quotidien à petit prix : La Presse. Alors la presse prend un virage, elle augmente considérablement ses tirages et devient véritablement une presse populaire accessible au plus grand nombre, elle engage des feuilletonistes qui vont dynamiser encore la vente des journaux et qui trouveront là le support de leur œuvre future. À l’instar de Balzac qui va publier en feuilletons la plupart des ouvrages qui composeront La Comédie Humaine ou Zola qui va publier quasiment toute la saga des Rougon-Macquart. Même chose pour Dumas père, pour Eugène Sue ou pour George Sand qui va produire nombre de romans écrits à « la demande de la machine » et qui seront dans un second temps édités en livres. Les feuilletons sont lancés dans deux titres quasiment à la même période, dans Le Siècle et dans La Presse.
Avec cette mode des feuilletons chacun trouvait son compte : les feuilletonistes avaient un revenu constant assuré, les éditeurs de journaux avaient un produit d’appel pour tenter de fidéliser les lecteurs. Mais la mode fut au centre d’une polémique animée par Sainte-Beuve, au début de la décennies 1840 qui qualifia les feuilletons et leur pratique de « littérature industrielle ». Quant aux puristes de la presse, ils regrettèrent qu’elle ne consacrât plus la totalité de ses colonnes à la politique intérieure et à la politique étrangère, au profit « des futilités » du roman-feuilleton ! Notons que celui-ci va faire évoluer le genre romanesque et susciter une arrivée massive d’ouvrages sur le marché du livre en raison même de la demande vivement attisée par la publication de nouvelles histoires dans les journaux.
Les éditeurs des quotidiens prirent l’habitude de publier les feuilletons en pied de page, dans ce qu’on a longtemps appelé le rez-de-chaussée pour signifier qu’on était dans la légèreté de l’espace de la page. Le haut de page étant réservé à la politique. Autre phénomène réel au XIXè siècle, mais aussi dans les premières décennies du XXè, c’est l’écriture feuilletonnée elle-même. Beaucoup d’auteurs écrivaient en effet au jour le jour leur histoire qui se construisait au quotidien, au point que l’auteur lui-même ne savait pas aujourd’hui ce que serait la suite de son roman demain.
Alors les feuilletons des journaux que l’on pourrait citer comme les ancêtres des feuilletons télé des années 1970 ou des séries télé d’aujourd’hui ont quasiment disparu de nos journaux…. (Il est vrai que les journaux disparaissent aussi). Que reste-t-il des feuilletons dans la presse de 2023 ? Les quotidiens du groupe Centre-France font exception ; dont Le Berry républicain et La Montagne qui ont gardé le feuilleton en puisant dans les romans du fonds De Borée, l’éditeur maison. Mais c’est bien une exception française.
Bernard Stéphan
Durant l’été 1944, le journal La Dépêche du Berry (Bourges)publie un feuilleton intitulé « Aimez-vous! ». Le feuilleton s’arrête au 116ème épisode le 19 août 1944. Au moment de la libération de Bourges, le périodique est interdit de parution pour collaboration. Cependant, pour sans doute ne pas perdre les lecteurs, ce feuilleton est repris à la Une du journal résistant Le Patriote berrichon qui publie les épisodes n°117 et 118 les 14 et 15 septembre 1944. Puis, Le Patriote berrichon fusionne avec d’autres journaux résistants du Cher pour fonder Le Berry républicain qui lui-même va continuer la parution du feuilleton. Le n°119 paraît dans le premier numéro du Berry républicain 16 septembre 1944.