Jean-Clément Texier et Richard Werly (*) viennent de publier Presse et territoires. Une si fertile proximité, aux éditions Nevicata. Voici un petit livre qui brosse une sorte de paysage de l’état des lieux de la presse écrite dans les régions et les départements français. En tentant de répondre clairement à la question suivante : la PQR résiste-t-elle et a-t-elle encore un avenir ?
Pour les auteurs, la PQR a un avenir et ils tentent de le démontrer. Ainsi elle exerce un rôle social à quatre niveaux.
Le premier niveau c’est la position de miroir des territoires qui est la première fonction du quotidien régional ou départemental. Ces quotidiens sont une tribune ou une vitrine ou une caisse de résonnance, pour tous les acteurs locaux (élus, administrations publiques, commerçants, associations, clubs sportifs, artistes, etc.). Cette fonction permet aux uns et aux autres d’agir en se faisant connaitre et en popularisant leurs projets et leurs actions. Le second niveau est le rôle de médiateur pour mettre en relation. C’est ainsi que les médias de proximité pratiquent de plus en plus ce qu’ils appellent « l’événementiel » en organisant directement de grands rendez-vous : salons, conférences, débats, forums, etc. Dans ce cas le journal n’est pas seulement un témoin, il est un animateur dans sa zone d’influence.
Le troisième niveau c’est d’être ce que les auteurs qualifient de « porte-voix » de ces territoires. Porte-voix ne doit pas s’entendre seulement comme miroir, mais bien comme diffuseur d’un message pour que le territoire puisse être entendu bien sûr chez lui, mais surtout ailleurs. Et, ajoutent les auteurs, « un quotidien régional contribue au dynamisme d’un département ou d’une région. La presse est constitutive de la force collective des territoires ».
Le quatrième niveau est le lien. Il est assuré par le même geste quotidien de milliers d’habitants d’une même ville, d’une même communauté, d’un même département, d’une même région, qui se retrouvent dans « leur » journal. Se plonger dans celui-ci chaque matin « c’est appartenir à une collectivité, c’est partager le destin de celle-ci ».
Confortant les thèses des auteurs de cet ouvrage, une récente étude de l’IFOP publiée en février dernier, a été réalisée à la demande du syndicat national de la PQR (Alliance de la Presse d’Information Générale). Cette étude ciblait les élus locaux et le patronat des PME et des TPE. Elle montre que 80% des chefs d’entreprises du BTP lisent le journal régional chaque matin. « A l’heure de la fragmentation des audiences et de l’archipélisation de la société française, la PQR est le dernier pilier qui fonctionne en matière d’information, il s’agit là d’un média fédérateur », a commenté Jérôme Fourquet, directeur du Département Opinions et Stratégies d’entreprise à l’IFOP.
Dans cette enquête, la très grande majorité des chefs d’entreprises et des élus valident le fait que la connaissance de la commande publique passe par la PQR qui est de fait la référence du tissu économique local.
Il y a toutefois dans cette enquête un bémol, il est apporté par un chiffre qui questionne. Parmi les élus locaux, ils sont 69% à consulter le journal chaque jour. On peut s’étonner donc que 31% ne consultent pas le journal quotidiennement. Par conséquent, pour ces derniers, on a le droit de douter de leur ancrage local et même de leur intérêt pour le territoire dans lequel ils sont élus !
Aucun autre acteur public ne peut remplir autant de fonctions sociales que le journal. C’est dire combien les territoires ont besoin d’une PQR dynamique, qu’elle soit sous forme imprimée ou numérique. Car là est le défi : transformer le média sans renoncer à aucun de ses rôles, à aucune de ses missions qui sont sa raison d’être.
Le livre Presse et territoires et l’enquête de l’IFOP offrent deux raisons d’être optimiste pour les journaux de la PQR. Cette éclaircie à l’horizon n’est pas si commune, savourons cette nouvelle.
Bernard Stéphan
(*) Jean-Clément Texier est président de l’école de journalisme de l’Université Aix-Marseille. Richard Werly est journaliste, il a notamment été reporter à La Vie, à Libération et au Temps.