Nous avons retrouvé les premiers kiosques à journaux parisiens

Il y a quelques semaines, notre chroniqueur Bernard Stéphan consacrait tout un papier aux maisons de presse et aux kiosques parisiens. Le hasard fait bien les choses, nous venons d’acquérir il y a quelques jours un exemplaire de l’hebdomadaire L’Illustration du 29 août 1857 qui présente à ses lecteurs en dernière page une gravure représentant l’un des premiers et nouveaux kiosques lumineux pour la vente des journaux installés à Paris.

En dernière page de L’Illustration du 29 août 1857 avec la légende suivante : « Kiosques lumineux. Nouveaux bureaux pour la vente des journaux sur les boulevards ». Dessin de Jules Gaildreau (1816-1898). Collection Le Centre de la Presse.

À côté des splendeurs de l’inauguration du 15 août, il s’est glissé parmi les embellissements de Paris une petite inauguration modeste et pourtant coquette, élégante et utile à la fois ; nous voulons parler des pavillons-annonces, appeler kiosque lumineux, et qu’une compagnie vient sur l’autorisation de M. le sénateur préfet de police, de substituer aux hideuses baraques de marchands de journaux. Ces échoppes disparates et sordides choquaient la vue, principalement sur nos admirables boulevards. L’administration les tolérait avec peine et par un pur sentiment d’humanité. Mais leur dégradation devenait telle, leur saleté était si repoussante, que tout faisait pressentir que ces taches aux embellissement dont la capitale était depuis quelques temps le théâtre, ne pouvaient longtemps subsister.


Les premiers marchands de journaux qui parurent dans les rues de Paris n’avaient d’abord reçu que la permission de vendre leurs feuilles au passant ; ils n’avaient pas le droit de circuler. Au bout de quelques temps, plusieurs hasardèrent une chaise à l’endroit où leur débit paraissait le plus considérable ; un peu plus tard il risquèrent un parapluie ; les femmes apportèrent à dîner aux maris ; le domicile était élu. Mais une chaise et un parapluie, c’était peu. On ajusta, un jour de mauvais temps, quelques planches mal jointes ; on les couvrit de vieilles toiles, de vieux cuirs ; on se plaça à l’abri d’un arbre, sub tegmine fagi. L’autorité, toujours paternelle, ferma les yeux sur ce petit empiètement. Dès lors la baraque crut avoir sa raison d’être, et elle fut tantôt basse, tantôt plus élevée, tantôt verte, tantôt brune, toujours sale et difforme. Les baraques pullulèrent tout le long des boulevards, vrais tonneaux de Diogène, cyniques à force de laideur et de malpropreté. La compagnie des kiosques lumineux a donné aux marchands de journaux, en échange de ces espèces de chenils, un abri dans d’élégant pavillons octogones, cela gratuitement et l’éclairage par-dessus le marché. Les kiosques lumineux ont leurs parois en vitrage, sur lesquels sont peintes des annonces de formes et de couleurs diverses. Le soir, ces petits pavillons transparents éclairent la voie publique, et montrent aussi bien que le jour leurs affiches aux passants. C’est un enjolivement réel sur les boulevards, où sont déjà placés une centaine de ses kiosques, qu’attendent aussi les autres grandes voix de circulation. La meilleure preuve que nous puissions donner de la sincérité de nos éloges, c’est que nous avons voulu figurer des premiers sur toutes les vitrines des kiosques lumineux. » Papier signé de Laisné.


Quelques jours auparavant, le 3 août, le quotidien La Presse évoque ces kiosques dans ses colonnes, dans les termes suivants : « Ces kiosques, dont la construction est déjà fort avancée, consistent en un petit pavillon octogone composé d’un soubassement en tôle peinte jusqu’à hauteur d’appui, surmonté  d’une vitrine en verre dépoli. La hauteur totale de la construction, y compris l’attique et les girouettes, est de 3 mètres 85 centimètres ; quatre des côtés ont 50 centimètres seulement. Sur le grand côté de la façade est placé un guichet avec tablette en chêne mobile, à hauteur d’une personne assise. À l’intérieur seront des rayons pour placer les journaux et les collections. Ces kiosques seront éclairés le soir par des lampes à schiste placées à la hauteur de 2 mètres. 

Le kiosque est fourni gratuitement au marchand muni d’une permission, à la seule condition de l’entretenir proprement, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur ; la lampe et combustible lui sont également donnés pour rien. Tout étalage à l’extérieur lui sera interdit. Toutes les mesures sont prises pour faire de ces petites constructions élégantes un objet d’ornement pour les boulevards. Soixante-quinze kiosques seront placés dans la nuit du 14 au 15 août, les vingt-cinq autres compléteront la centaine peu de jours après. »

À noter qu’on doit ces kiosques à l’architecte Gabriel Davioud (1824-1881) l’un des proches collaborateurs du baron Haussmann qui va beaucoup agir pour le mobilier urbain sous le Second Empire. Il est également le créateur de la fontaine Saint-Michel et du théâtre du Châtelet.

Pascal Roblin