Entre le 27 et le 30 octobre 1922, Mussolini rassemble dans plusieurs villes autour de Rome des colonnes fascistes, dans l’attente de la réponse à l’ultimatum qu’il a lancé au gouvernement lors du Congrès national du PNF (Parti national fasciste) à Naples le 24 octobre 1922. Avant de commencer à converger sur Rome.
Flash-back. Benito Mussolini (1883-1945) a 17 ans quand il intègre le Parti socialiste italien par son flan le plus à gauche. Il s’initie au journalisme au fil de son activisme syndicaliste et politique et prend la direction du journal du PSI Avanti ! À l’annonce de la Première Guerre mondiale, il prend un tournant résolument nationaliste. Il se positionne en faveur de l’entrée en guerre de l’Italie et est chassé du PSI et du journal Avanti !. Il crée alors son propre quotidien, Il Popolo d’Italia, financé par l’Angleterre, la France et l’industrie italienne.
À la fin de la guerre, ce journal et son fondateur ont rompu définitivement avec le socialisme. L’Italie est démontée par la fièvre gréviste et le nationalisme exacerbé par une « victoire mutilée » à l’issue de la guerre et du traité de Versailles du 28 juin 1919. Ce sont les atouts de Mussolini pour convaincre la classe dirigeante que le fascisme est la solution pour faire rempart à la vague bolchéviste qui submerge l’Europe depuis 1917. La société italienne la sent rugir à ses portes et la droite traditionnelle installée au pouvoir n’arrive pas à pérenniser son action. Mussolini réussit à concilier les contraires pour assoir sa position en utilisant les rouages de l’État libéral sans renoncer à la violence, car de ses nombreuses lectures, il en a très tôt retenu la nécessité.
Automne 1922. Mussolini a deux options, prendre le pouvoir par la voie légale en attendant d’être nommé par le roi ou le conquérir par la force. Il n’en écarte aucune, il va même jumeler les deux. Il simule une insurrection pour finir de convaincre le roi de défaire un gouvernement affaibli, en organisant cette marche sur Rome, plan évoqué depuis l’annexion rebelle de Fiume en 1920 conduite alors par le « poète dictateur » Gabriele d’Annuzio (1863-1938), en réaction au traité de Versailles.
Les Faisceaux italiens de combat créés par Mussolini en mars 1919, dont la propension à la turbulence et la violence a été légitimée en 1921 quand il en fait le ciment du Parti National Fasciste, sont déployés vers Rome. Les « squadre » (forces paramilitaires, bras armé des faisceaux italiens) sont en position stratégique dans des villes clés sur tout le territoire… Mussolini agit, pleinement conscient de sa victoire future car le soutien d’une partie de la classe politique et celui de la classe possédante lui est acquis de longue date. Pour préserver la légalité de sa progression, il rejoindra les insurgés seulement après.
La pression est suffisante pour que Victor Emmanuel III, refusant de signer le décret proclamant l’état de siège, lui ouvre le chemin pour prendre la direction du gouvernement à laquelle il l’appellera officiellement le 29.
La marche sur Rome en définitive ?… Rien de bien effrayant qui n’eut pu être arrêté ! À l’arrivée seulement 26.000 hommes, en chemise noire et armés tant bien que mal, défileront dans Rome sous la pluie … Mais quelle victoire !
Rome… « Ville éternelle »… Le symbole de l’imperium ressuscité de l’ancien Empire romain sera désormais la légende appropriée par le mouvement fasciste pour initier, dans la continuité du Risorgimento (élan politique débuté vers 1830 visant à l’unité de l’Italie) et vers une Italie nouvelle, la mise en place de l’ordre nouveau.
La marche sur Rome est la consécration du fascisme. L’histoire nous dira qu’elle inspira les grands noms du totalitarisme du XXème siècle, Hitler entre autres.
Aujourd’hui, le mot « fasciste » a pénétré le langage courant et alimente les échanges parfois houleux qui rythment nos vies politiques. Au sens strict, le terme « fascisme » vient des Fasci italiani di combattimento de Mussolini et définit le régime politique de Mussolini.
Mais vigilance ! En raison du contexte international actuel et de la nomination de Giorgia Meloni (parti post-fasciste Fratelli d’Italia) au poste de Première ministre de la République italienne le 22 octobre dernier, il est aujourd’hui plus qu’essentiel de se poser la question : le fascisme, mouvement porté par le monde de l’Entre-deux-guerres et en raison de sa spécificité, n’appartient-il qu’à son époque ? CQFD.
Gaëlle Chapin