François Mans est sans doute le « premier collectionneur au monde de quotidiens ». Il habite la région lyonnaise et collectionne la presse depuis plus de quarante ans. Il y a peu de temps, il est venu nous rencontrer en Berry, pour visiter nos locaux et connaître nos activités et notre organisation. À l’issue de ce passionnant rendez-vous, il a souhaité adhérer au Centre de la Presse.
Il a beaucoup apprécié cette rencontre, mais il faut le dire, nous avons été également très impressionné quand il nous a parlé de sa gigantesque collection privée.
Voici comment il décrit cette collection :
« Le but premier de ce fonds est d’avoir au moins, un exemplaire de chaque quotidien ayant paru ou paraissant sur Terre. À cela se sont ajoutés des titres non-quotidiens (quand aucun titre de périodicité quotidienne n’existe ou n’existait). Une tâche immense. Près de 45 ans de collectionnite ont permis, à présent d’être très complet pour la plupart des régions du monde.
Dans un second temps, cette collection cherche à s’enrichir par quelques autres exemplaires des mêmes titres selon deux pistes principales : les premier et dernier numéros de chaque journal, ainsi que des très gros événements couverts par ceux-ci : je viens, par exemple de me lancer dans la collecte des 57 quotidiens régionaux et de la petite dizaine de nationaux en date du 25 février 2022 (date du début de la guerre en Ukraine) qui feront l’objet d’une exposition-conférence dans le cadre de la Semaine de la Presse. Bien entendu, je possède déjà ces titres mais avec d’autres dates et parfois de façon très ancienne. Dans le même temps, mes contacts russes m’ont acheté des exemplaires des quotidiens de leurs régions titrant sur ce même événement. Même démarche avec mon contact ukrainien.
J’ai ainsi, non pas seulement 26.700 titres de journaux différents mais un peu plus de 100.000 sans trop en chercher plus. Pour parler d’un titre connu, Le Berry républicain, je possède le premier numéro, la fin de la Seconde Guerre mondiale, la mort de Mitterrand, les numéros du 31 décembre 1999 et 1er janvier 2000 (comme pour toute la presse française d’alors) ou le 25 février 2022 avec la guerre en Ukraine. Cela est similaire pour la plupart des titres mondiaux dans la mesure du possible.
Dans un dernier temps, moins prioritaire, je recherche des formules ayant modifié la forme du journal. Le but est donc nullement de chercher des collections entières ou des exemplaires reliés.
Il y a environ 200 collectionneurs de ce type dans le monde, ce qui permet de nombreux échanges. Les plus grosses collections connus tournent autour de 5.000 titres différents. Seul un Russe annonce en avoir près de 8.000 (mais je suis dubitatif vu le flou de ses classifications), c’est dire donc si mon fonds personnel est conséquent voire boulimique. Beaucoup de ces collectionneurs accumulent, entassent, font du « chiffre » sans réellement connaître ce monde de la presse qui nécessite un tant soit peu de connaissances géographiques et historiques. C’est pour cela que mon fonds est parlant avec des fiches explicatives sur chaque quotidien possible et un fonds bibliothécaire qui n’égale pas, loin de là, votre propre magnifique espace du Châtelet, mais qui couvre énormément de pays.
Depuis le début des années 2020, grâce à la récupération/rachat de plusieurs parties de fonds de collectionneurs étrangers (Belgique, Pays-Bas…) la collection devient très complète et unique. Certes, elle n’égalera jamais les bibliothèques nationales et archives locales de chaque pays, même si je possède de nombreux titres introuvables nulle part ailleurs. Par contre, il est certain que ce fonds possède les plus grosses concentrations de journaux hors de chaque pays. Où trouver hors de Lettonie des centaines de quotidiens différents de ce petit pays? Où trouver hors du Bangladesh des centaines de ses quotidiens régionaux? Hors de Russie plus d’une cinquantaine de quotidiens titrant le même jour (et de façon totalement identique) sur la mort de Staline. On peut parfois tomber sur une Pravda du 6 mars 1953, mais sur des dizaines et des dizaines de quotidiens soviétiques du même jour, on trouve cela nulle part ailleurs.
Les pépites fourmillent dans ce fonds très varié et unique notamment concernant des domaines bien particuliers comme la presse de combat durant la guerre du Pacifique, la presse sur des navires (de croisière ou de combat), la presse de la diaspora arménienne, la presse militaire allemande sur le front couvrant des territoires allant de Jersey à Rhodes et de l’Arctique à l’Afrique que même la plupart des musées ou archives militaires allemandes ne concentrent pas en un même lieu, la presse de langue allemande en Chine (1885-1840), la presse en langue yiddish en Europe, anéantie et éradiquée en 1933-1945…Bref, ce fonds, par sa richesse a comme caractéristique de couvrir 99, 99 % des pays et territoires actuels (manque l’île de Pâques et les Galapagos) et la quasi-totalité des événements depuis 1781 même si les plus vieux exemplaires remontent au XVIIe siècle pour la France (1632), l’Angleterre, l’Italie, l’Allemagne…et dans près de 200 langues différentes, là aussi, un atout majeur de ce fonds.
C’est pour cela que j’aimerais croire en un intérêt livresque mettant en ‘une’ les plus beaux exemplaires de ce fonds avec les explications mêlant Histoire et Géographie.
L’actuelle crise en Ukraine s’explique et s’illustre par mes centaines de quotidiens différents de cette région depuis 1848, d’une centaine de bourgades y compris des républiques du Donetsk et de Lugansk ou de Crimée durant toutes les périodes historiques austro-hongroise, polonaise, russe, ukrainienne, soviétique, occupation allemande en langue polonaise, ukrainienne, russe, allemande, yiddish, roumaine, hongroise… ».
François Mans a réalisé un book de plus de 500 pages qui recensent l’ensemble de cette collection. Très impressionnant document qui donne le vertige et qui témoigne du fabuleux travail accompli et des voyages qu’il a effectué partout dans le monde pour récupérer ces précieux périodiques.
Il y a quelques mois, il a reçu chez lui l’équipe d’ Affaire conclue, la célèbre émission de France 2.
À l’issue de sa visite au Centre de la Presse, il a souhaité faire un cadeau à l’association : il a offert un exemplaire du Journal de Saint-Pétersbourg de février 1851, tout en français. Il faut rappeler qu’à l’époque la langue française rayonne en Europe.