Le dernier tour du monde en 80 jours

Il est devenu habituel de dire que notre monde « va trop vite ». Un gazouillis de président émis aux États-Unis arrive à la minute sur nos écrans de téléphone, et engendre dans le quart d’heure réactions médiatiques et sursauts boursiers. Pourtant, depuis 2020, la planète que nous habitons nous semble comme hors du temps. Les aiguilles de nos horloges continuent certes leur course infinie, et nous venons de fêter le passage vers un an nouveau… Mais les jours s’enchaînent sans perspective ; monde en expectative.

            Alors qui pour nous faire ressentir le temps qui passe ? Qui pour rappeler que chaque jour est une aventure, avec une infinité de surprises et d’imprévus en tous genres ? Qui pour nous pousser au dépassement de soi, dans notre voyage en solitaire sur l’océan de l’existence ?

            À l’hiver 2020-2021, ces femmes et ces hommes ont des noms : Isabelle Joshke, Louis Burton, Jean Le Cam, Boris Herrmann, et tant d’autres… Ils participent tous à la neuvième édition du Vendée Globe, seule course autour du monde à la voile en solitaire, sans escale ni assistance. Le but ? Rien de plus simple sur le papier : revenir le plus vite aux Sables d’Olonne, en laissant à gauche les Caps de Bonne Espérance (Afrique du Sud), Leeuwin (Australie) et Horn (Argentine). Mais vous l’aurez compris : Phileas Fogg fait pâle figure, au mieux marin d’eau douce, face à celles et ceux qui s’attaquent à « l’Everest de la mer ».

            Cette édition sera sans doute la plus marquante, car la plus haletante, des dernières années : une arrivée dans un mouchoir de poche, aucun des concurrents n’ayant pu se démarquer clairement des autres. La faute à des conditions climatiques extrêmes, à des vents contrariants et à des avaries, à des sauvetages rocambolesques – qui rappellent qu’une lettre seulement séparent le solitaire du solidaire. Nous ne chercherons même pas à faire tenir dans ces lignes toute la ténacité, l’abnégation, le courage, le dépassement dont tous les skippeurs, sans exception, ont fait preuve… Par chauvinisme – il faut bien l’avouer –, notons que le Berry peut aujourd’hui se vanter d’être une terre de marins ! En effet, Louis Burton, arrivé troisième de cette édition, en ayant été à plusieurs reprises en tête, a commencé la voile sur… le lac d’Éguzon ! L’entreprise Monin, basée à Bourges, a également, pour la première fois, sponsorisé un bateau, celui d’Isabelle Joschke. La skippeuse, contrainte à l’abandon, a tout de même parcouru l’Atlantique Sud avec un bateau qu’elle ne maîtrisait quasiment plus… Elle préférait se terrer dans la mer, plutôt que d’accoster sur des terres trop amères…

L’Écho du Berry comme Le Berry Républicain ont offert toute une série d’articles sur la passionnante épopée de nos deux berrichons d’adoption, à retrouver ici :

https://www.echoduberry.fr/category/actualites/sport/

https://www.leberry.fr/theme/vendee-globe/

            Quant à nous, au Centre de la Presse, nous nous sommes amusés à ressortir l’édition de L’Équipe traitant de la première victoire sur cette course mythique, qui ne fête pourtant que ses trente ans d’existence. Le 15 mars 1990, un certain Titouan Lamazou l’emportait, après plus de 109 jours de course… Depuis, les records tombent les uns après les autres régulièrement. Sauf cette année, étrangement. Oui, le monde va de plus en plus vite, mais lorsqu’il est contraint à l’arrêt, ces petites coques de noix au milieu de l’immensité des eaux représentent un phare dans la nuit d’hiver, que nous suivons jour après jour, profitant de leurs évasions maritimes pour rêver aussi un peu. Merci à vous, skippeuses et skippeurs, pour nous avoir fait tant voyager. Vous étiez seuls à la barre, mais nous étions des milliers à souffler dans vos voiles…

Henry Hautavoine